Guérir des blessures générationnelles

par Richard Rohr, franciscain américain, écrivain spirituel, qui dirige le Center for Action and Contemplation
Il publie des méditations quotidiennes.

Nos blessures les plus profondes sont celles dont nous ne sommes pas conscients ou dont nous ne nous souvenons pas. C’est en passant par ces blessures que nous cheminons pour arriver à la paix qui surpasse toute intelligence. La guérison est possible parce que nous avons la capacité de nous détourner spirituellement de la catastrophe et de permettre aux crises de nous grandir plutôt que de nous briser. En fin de compte, nous pouvons compter sur l’Esprit Saint pour nous guider dans le souci des autres et l’amour de Dieu, de notre prochain et de la création.

Barbara Holmes, Contemplation des crises

Nous vivons tous l’absurde, le tragique, le non-sens, l’injustice, mais nous ne vivons pas tous cette souffrance de la même manière. La chercheuse en traumatologie Joy DeGruy nous parle des blessures provoquées par l’oppression, qui se transmettent de génération en génération, et dit que le moment est venu de briser le cycle de la souffrance :

Tout au long de l’histoire enregistrée, des êtres humains ont subjugué, asservi et parfois même exterminés d’autres êtres humains. Parfois ces actes étaient commis au nom d’un roi ou d’une reine, parfois au nom d’une tribu ou d’un pays. Souvent, ils étaient commis au nom de Dieu. Ils ont toujours été commis pour consolider et étendre le pouvoir de quelques privilégiés. À chaque fois, il y a eu beaucoup de morts sans raison valable. A chaque fois, encore davantage de personnes ont souffert inutilement pour assouvir les appétits de ces quelques privilégiés. Il s’agit de crimes contre l’humanité, et ces crimes se poursuivent sur notre planète à ce jour.

De plus, ces crimes font partie d’un cycle apparemment sans fin. Les puissants oppriment les moins puissants, qui à leur tour oppriment ceux qui sont encore moins puissants qu’eux. [RR : Nous voyons cela souvent même au sein des familles !] Ces cycles d’oppression marquent les victimes tout comme les vainqueurs, laissant des cicatrices qui s’incrustent dans notre psychisme collectif et se transmettent de génération en génération, nous privant de notre humanité. . . .

À présent, le temps est venu de. . . briser ce cycle et de revendiquer une fois de plus notre humanité. Briser ce cycle et revendiquer notre humanité, cela exigera un très grand effort de notre part à tous. Ceux qui ont été victimes d’années, de décennies et de siècles d’oppression doivent d’abord se remettre des blessures subies directement, ainsi que de celles transmises à travers les générations. Ceux qui ont été les auteurs de ces crimes innommables, et ceux qui continuent de bénéficier de ces crimes, doivent en toute honnêteté se confronter à leurs actes et guérir des blessures psychiques liées au fait d’être la cause et les bénéficiaires de tant de douleur et de souffrance. [1]

Que nous nous identifions actuellement comme victime ou vainqueur, nous sommes tous blessés. Si nous pouvions voir nos blessures comme un passage, comme Jésus l’a fait, alors elles deviendraient de saintes plaies, et non quelque chose à nier, à camoufler, ou à transmettre aux autres. J’ai souvent dit que, si nous ne transformons pas notre souffrance, nous la transmettrons très certainement, et généralement à nos proches. Ce qui est certain, c’est que nous connaîtrons la souffrance ! La spiritualité nous permet de transformer à la fois l’histoire et les individus afin de ne pas transmettre cette souffrance à la prochaine génération, consciemment ou inconsciemment. [2]

[1] Joy DeGruy, Post Traumatic Slave Syndrome: America’s Legacy of Enduring Injury and Healing (Joy DeGruy Publications: 2017), iv.

[2] Richard Rohr, Just This (CAC Publishing: 2017), 76–77